Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/02/2008

le 14 mars, un printemps, des poètes, l'insoumission, pleins de raisons de se réjouir

Eh oui, un poète ne fait pas le printemps mais tout de même cette façon de nous ouvrir l'espace et le temps à coup de mots peut, parfois, nous le faire croire. On l'a bien vu lors de notre rencontre du 23 février dernier avec le souffle du poète polonais Kazimierz BRAKONIECKI.

Donc du 3 au 16 mars se déroule le 10ème printemps des poètes, avec pléthore d'animations en centre Bretagne (voir le site http://www.artsetcob.org à ce sujet) qui vous permettrons de déguster pour les connaisseurs ou de découvrir, pour les novices, cette drôle des musique des mots qui nous parle comme peut de chose arrive à le faire (même pas TF1). Des occasions à ne pas rater.

En ce qui nous concerne nous vous proposons un nouvel apéro-poésie à l'Autre-rive en partenariat avec les ateliers du lien de Brennilis, le vendredi 14 mars à partir de 20h00.

Toujours les mêmes principes avec un invité en la personne d'Hervé MESDON, poète et artiste peintre qui nous fera partager ses textes (voir sur celui-ci le texte qui suit de ricardo MONTSERRAT).

Un thème, l'insoumission qui sait faire, aussi, le printemps.

Sinon, scène ouverte avec la possibilité pour tous de venir dire ses textes préférés (les siens, propres ou les autres un peu moins).

Donc, un bon moment de mots à échanger jusque plus tard dans la soirée.

C'est gratuit.

On ne voit vraiment pas ce que vous pourriez avoir de mieux à faire ce soir là....

Alors au plaisir

 

A propos d’Hervé MESDON, ce que dit de lui l’écrivain Ricardo MONTSERRAT :

L’éleveur. Je l’imagine, berger dans les monts d’Arrée. Il les fait monter si haut, ces drôles d’animaux que sont les mots. Transhumance dure, qui se fait à pied, par des chemins ardus. Il affirme que ce sont des rêves qu’il pousse devant lui. La transhumance n’est jamais qu’un mouvement, pas un état, jamais définitive, un devenir, à reprendre année après année. A peine en haut, il faut redescendre. Le berger change, les mots meurent, dévorés par les loups, la transhumance reprend, plus lourde des massacres perpétrés et la montagne plus inaccessible. C’est là-haut qu’RV a rencontré Prométhée et, voulant défendre ses mots du froid de la bêtise, a volé aux dieux le feu. Il a allumé son tabac avec, et puis est redescendu. RV est frère de Sysiphe.

Le mûrisseur : Non. Ce sont des vers à soie qu’il élève, l’éleveur. Vers à soi. Depuis la ronce inextricable des mûriers au cocon de papier où le vers approche la perfection : les lèvres d’un baiser, la langue d’un soupir... Ils ne seront jamais papillons montant au ciel, mais tissus enveloppant l’aimée, nappes de brouillard, paysages tristes tissés au petit fil des jours. Fil incassable qu'il renoue chaque matin. Comment voulez-vous que quelque chose vole dans un ciel de plomb ?

Le souveneur : Les passés sont déjà effacés. Le voyageur ne cesse de se retourner sur le chemin parcouru, et s'étonne de le voir si désert, si lointain, si petit, si mesquin. Les prochains pas qu'il fera vers l'avant seront pourtant tout aussi difficiles. Sa langue de vipereau n'a pas de repos.

Le mauvais coucheur : Que voulez-vous qu’il dorme et s’endorme ! Éveillé, il rêve plus fort qu’au profond des sommeils. Les lits servent à l’amour et les pages à en garder la trace. Il veut bien des nuits et des insomnies, si elles sont paix et amour. Il veut bien du noir s’il est encre et ciels étoilés. Hélas, de si peu dormir, ses yeux se sont creusés, son humeur a noirci plus que l’encre. Sensible à toutes les injustices, révolté par toutes les indignités, l’impuissance lui fouaille les entrailles. Il n’en dort plus. Il parle à haute voix, comme un ivrogne ou un fou. Il apostrophe à longueur de poémier les lecteurs badins, les fantômes de retour, les femmes perdues et les indifférents de passage. Et quand il est seul, il s’engueule. La nuit n’en finit pas de résonner de sa voix. Et s’il n’y avait la lumière des mots pour annoncer l’aube, je crois qu’RV en serait mort.

Et quoi, il en mourrait, il resterait le feu qu’il a volé. Les songes là-haut dans les pâtures qu’il faudrait songer à relire après son passage, faute de les avoir lus de son passant. Il resterait les boîtes de chêne que sont ses livres. Quoi, toute une vie et si peu dedans ? Si peu, si simple, si vrai. Les livres de RV sont des cercueils. Rouvrez-les dix ans après, il ne reste plus rien de la pourriture, de la charogne, du mensonge. Rien qu’un parfum, un écho, des phrases en ritournelle, des espérances, des illusions, des mots doux, des frissons et ces photos en noir et blanc, qui semblent avoir souffert du passage du temps, rejetées par la mer. Qui c’était celui-là, et celle-ci, à moitié nue ? C’est lui, là, sur la photo ? Il était un peu tordu comme gars ! En tout cas, ses photos le sont. Ou alors c’est le monde qui l’est. Faudrait pas se regarder dans l’eau des miroirs, faudrait pas boire l’eau. Faudrait pas boire. Ni voir. Voir de travers, ça fait tousser. Si encore, il y avait mis de la couleur...

En tout cas, pour un mort, mort de faim, mort de femme, il parlait bien, Mesdon. Il parlait comme il écrivait, il écrivait comme il parlait. Des phrases si aisées qu’on avait l’impression de les avoir déjà entendues. Faciles comme des chansons. Souvent des complaintes, jamais des plaintes. Rarement braillées. Ou alors c’est qu’il était fâché. Badinage amoureux. Des conversations. Pourvu qu’il fasse beau... Entre amis. Entre amants. Entre voisins. Compagnons. Camarades ! Ah, il n’a pas peur de dire les choses comme elles pourraient être

 

Mais pourquoi je parle de lui au passé ? Justement, je ne le connaissais pas, je viens de relire pour la troisième fois ses poèmes et j’ai l’impression de les avoir toujours sus, fredonnés, murmurés ou déclamés. Faut croire que je l’ai croisé sur les chemins de la beauté. C’était lui, dans l’ombre, lui qui riait dans les coins et recoins de cette province noire qu’est la mémoire ? Parce qu’il ne manque pas d’humour, le chagrineux. D’un éclat de rire, il brise le silence, d’un éclat de mot, l’indifférence. Et s’il ne se prend pas au sérieux, c’est qu’il n’est pas bien sérieux au vingt-et-unième siècle de conduire, dans les Montagnes Noires, les mots français à des hauteurs telles que, pris de vertiges, ils ne pourront que dégringoler. Les mots, pas les songes, ni les songeous. Les Bretons, grands éleveurs de douleurs, ne tombent jamais. Hervé en est un. Vivement le prochain cocon ! J’ai hâte de te lire à nouveau, Mesdon.

.


 

Les commentaires sont fermés.